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ANALYSE

La Nouvelle Guerre Froide du Calcul : USA vs Chine dans la Course aux Supercalculateurs

40 milliards de dollars par an. 197 exaflops de puissance. 12% de l'électricité américaine. La course à la puissance de calcul redéfinit les rapports de force mondiaux.

Datacenter moderne illustrant la course à la puissance de calcul
Publié
9 nov. 2025
Auteur
Rayane Moumni, Founder OkurAI

🔢 La Course en Chiffres (2025)

40 milliards de dollars par an. C'est ce que les États-Unis investissent dans la construction de data centers. 197 exaflops. La puissance de calcul totale de la Chine en 2023, avec un objectif de 300 exaflops d'ici fin 2025. 12% de la production électrique américaine pourrait être absorbée par les centres de données d'ici 2028.

Ces chiffres vertigineux illustrent une réalité : la puissance de calcul est devenue l'arme stratégique du XXIe siècle. Qui la contrôle dominera l'économie, la science, et l'IA de demain.

Indicateur🇺🇸 USA🇨🇳 Chine🇪🇺 Europe
Investissement annuel datacenters40 Mds$~15 Mds$<0.5 Md$
Part de la puissance GPU mondiale75%15%<5%
Supercalculateur le plus puissantFrontier (2.0 exaflops)Tianhe/Sunway (~1 exaflop)JUPITER (1 exaflop)
Nombre de datacenters4,049379~2,250

Sources : Epoch AI, Top500, Bank of America, 2025

Introduction : La puissance de calcul, nouveau levier de pouvoir

Les centres de données et supercalculateurs ne sont plus de simples infrastructures techniques : ils sont devenus des nœuds stratégiques de la souveraineté numérique. La puissance de calcul joue un rôle essentiel dans le machine learning, la recherche scientifique et le militaire.

Cette nouvelle donne s'apparente à un véritable « surarmement technologique ». La rivalité actuelle rappelle par son intensité la course à l'espace durant la Guerre froide. À l'époque, la conquête spatiale symbolisait la suprématie technologique entre deux blocs. Aujourd'hui, ce sont les infrastructures de calcul – data centers hyperscale, supercalculateurs géants, clusters de GPU – qui cristallisent les ambitions de puissance.

Comme le résume un rapport de l'Atlantic Council : les services de cloud computing sont devenus « le champ de bataille des différends diplomatiques, économiques et militaires entre États ». Obtenir du pouvoir, à l'ère du numérique, c'est obtenir de la puissance de calcul.

I. La course mondiale à la puissance de calcul

Un enjeu stratégique comparable au pétrole ou à l'acier

La quête de puissance informatique structure désormais la hiérarchie mondiale. Disposer des supercalculateurs les plus rapides confère un avantage décisif : supériorité militaire par la simulation, avancées scientifiques via le calcul intensif, domination économique par l'exploitation de l'IA.

Investir dans le calcul haute performance (HPC) est devenu aussi stratégique qu'investir autrefois dans l'acier ou le pétrole.

Le duel États-Unis vs Chine

Les deux géants rivalisent d'investissements pour assurer leur suprématie technologique. Cette compétition s'est intensifiée au point que Donald Trump déclarait en 2025 : « Nous ne laisserons aucune autre nation nous battre dans la course à l'IA ».

Derrière la rhétorique, les actions : multiplication des centres de données, déploiement de supercalculateurs exaflopiques, restrictions à l'exportation de technologies critiques pour freiner l'adversaire.

L'IA comme catalyseur de la course

Les progrès de l'IA générative ont décuplé l'appétit en ressources de calcul. Entraîner les modèles d'IA les plus avancés pourrait exiger des supercalculateurs délivrant des dizaines d'exaflops sur plusieurs semaines.

Cette demande exponentielle pousse États et entreprises à un surrenchérissement technologique. Le secteur numérique représente déjà ~9% de la consommation électrique mondiale, et la part de l'IA pourrait grimper vers 20% de la consommation des data centers d'ici 2030.

La course à la puissance de calcul est donc indissociable d'une course à l'énergie.

II. Les États-Unis : l'hégémonie des hyperscalers

Investissements records

Les dépenses américaines de construction de centres de données atteignent 40 milliards de dollars par an (mi-2025), en hausse de 30% sur un an. Microsoft, Meta, Amazon et Alphabet concentrent à eux seuls plus de 70% des investissements mondiaux dans les infrastructures d'IA.

Exemples concrets :

  • Meta construit un campus de data centers au Texas pour 1,5 milliard $
  • Microsoft annonce 10 milliards $ d'investissements en Arizona
  • Les clusters Azure regroupent plusieurs centaines de milliers de GPU

Le soutien fédéral

En juillet 2025, la Maison Blanche a dévoilé un plan d'action fédéral visant à « favoriser la domination américaine sur l'IA ». Donald Trump a proclamé : « Mon gouvernement va s'assurer que les États-Unis construisent les infrastructures d'IA les plus grandes et les plus puissantes du monde ».

Diplomatie technologique et restrictions

Washington utilise deux leviers :

  1. Diplomatie de l'IA : Promouvoir les modèles américains à l'étranger via des accords avec les Émirats, l'ASEAN, etc.
  2. Restrictions à l'exportation : Interdire la vente de GPU avancés (Nvidia A100/H100) à la Chine pour freiner son développement

Cette politique du « small yard, high fence » (périmètre technologique réduit mais ultra-protégé) marque une nouvelle ère de rivalité techno-industrielle.

III. La Chine : course accélérée vers la souveraineté numérique

Objectif 2025 : 300 exaflops

Pékin a annoncé un plan visant à augmenter de 50% sa puissance de calcul totale d'ici fin 2025. La Chine disposait de 197 exaflops en août 2023 et vise 300 exaflops.

La Chine a déjà atteint le seuil de l'exaflop (10^18 opérations/seconde) sur au moins deux systèmes dès 2021 – sans les soumettre au classement Top500 pour ne pas attirer l'attention.

Aménagement stratégique du territoire

Pékin déploie d'immenses data centers dans ses régions intérieures (foncier abondant, électricité moins coûteuse) pour soulager les zones côtières saturées. Ce plan de maillage interprovincial vise à :

  • Redistribuer la puissance de calcul à l'échelle nationale
  • Limiter la prolifération anarchique de centres énergivores
  • Optimiser l'efficacité globale

Le talon d'Achille : les semi-conducteurs

Malgré des progrès (Huawei Kirin domestique gravé en 7nm), la Chine reste dépendante des technologies occidentales pour les puces les plus avancées. Les États-Unis exploitent cette dépendance via des contrôles stricts sur les GPU, ASIC et équipements de lithographie.

Pékin dénonce cette « politisation » du commerce tech et accélère ses efforts de substitution. La stratégie chinoise : « faire plus avec moins de calcul » via l'optimisation logicielle.

La Chine hébergeait 162 des 500 plus grands supercalculateurs mondiaux en 2022 (vs 126 pour les USA). Le volume cumulé la place en bonne position pour rivaliser avec la puissance américaine.

IV. L'Europe : retard technologique et quête de souveraineté

Un fossé d'investissement béant

Le décalage est éloquent : moins de 500 millions $ par an investis en Europe contre 40 milliards aux USA – soit 1/80e des investissements américains.

Conséquence : près de 48% des projets d'IA menés hors des États-Unis font appel à des infrastructures américaines. L'Europe emprunte les autoroutes du cloud construites par d'autres.

Les initiatives européennes

1. Cloud souverain : Gaia-X

Lancé en 2020, Gaia-X vise à créer une infrastructure cloud européenne fédérée. Mais le projet peine à s'imposer face à l'avance des hyperscalers.

2. Supercalculateurs : EuroHPC

Fin 2023, l'Europe a inauguré JUPITER, son premier supercalculateur exascale à Jülich (Allemagne). Performance : ~1 exaflop, 4e au classement mondial.

Mais : JUPITER a été construit avec des technologies étrangères (processeurs Nvidia/AMD), soulignant la dépendance persistante.

3. Semi-conducteurs : Chips Act

Le Chips Act européen (2022) mobilise 43 milliards € pour attirer des usines de puces et viser 20% de la production mondiale d'ici 2030.

V. Contrôler la puissance de calcul : vers une nouvelle géopolitique du numérique

Une nouvelle hiérarchie internationale

On assiste à l'émergence d'une hiérarchie des capacités computationnelles. Les acteurs disposant de nœuds de calcul massifs (hyperscale) occupent le sommet, tandis que ceux limités à l'edge computing se trouvent à la base.

Cette stratification rappelle l'âge atomique : aujourd'hui, la dissuasion est économique et technologique, et réside dans la capacité à innover plus vite grâce à l'IA.

Un levier d'influence diplomatique

Contrôler la puissance de calcul confère un levier inédit. Si l'essentiel des données d'un pays X est hébergé dans le pays Y, alors Y dispose d'un moyen de pression en cas de différend.

Exemples récents :

  • Le Cloud Act américain permet d'exiger des données stockées à l'étranger
  • Des entreprises occidentales ont coupé leurs services cloud en Russie après l'invasion de l'Ukraine

Conclusion : Une course qui ne fait que commencer

La puissance informatique est devenue un pilier du pouvoir au même titre que la puissance économique ou militaire. Ceux qui la détiennent façonneront l'ordre mondial du numérique.

Pour l'Europe et les autres régions, le défi est clair : comment éviter une fracture numérique mondiale où seules deux superpuissances auraient le monopole de la haute puissance de calcul ?

Des alternatives émergent : coopérations internationales (EuroHPC), exploration de technologies moins énergivores, alliances open source. L'histoire n'est pas écrite.

L'essentiel

La course au « surarmement technologique » déterminera qui dominera la société de l'information de demain. La France dispose de Jean Zay, l'un des supercalculateurs les plus puissants d'Europe (36 petaflops). Mais face aux géants américains et chinois, l'effort doit être décuplé.

Sources

Red Team Analysis Society, IT Social, CNRS, Ifri, TF1 Info, Siècle Digital, Time, Atlantic Council, Epoch AI, Top500, Visual Capitalist, RAND Corporation, MIT Technology Review, 2024-2025

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